Les Intermèdes par leur brièveté et leur côté
incisif donnent à Cervantes l'occasion de se livrer à un jeu de
massacre et à une critique sociale virulente et réjouissante sur les
mariages mal assortis, la duplicité dans le couple, le spleen et la
révolte des femmes qu'on a mariées trop jeunes à des maris trop
vieux, la crédulité devant le faux savoir et la sorcellerie, la
bêtise vaniteuse, le malheur et le désarroi des fiers-à-bras et des
va-t-en-guerre lorsqu'ils tombent amoureux.
Cervantes adorait le monde du théâtre, et d'ailleurs, ne fait-il
pas dire à Don Quichotte, son héros à la triste figure:
"Quant à la comédie, je veux, Sancho, que tu la prennes et
affection, ainsi que ceux qui représentent les pièces et ceux qui
les composent. Car ils servent tous grandement au bien de la
république, en nous offrant à chaque pas un miroir où se voient au
naturel les actions de la vie humaine... L'un fait le fanfaron,
l'autre le trompeur, celui-ci le soldat, celui-là le marchand, cet
autre le benêt sensé, cet autre encore l'amoureux benêt; et quand le
comédie finit, quand ils quittent leurs costumes, tous les acteurs
redeviennent égaux dans les coulisses...
Eh bien, la même chose arrive dans la comédie de ce monde, où les
uns font les empereurs, d'autres les pontifes, et finalement autant
de personnages qu'on en peut introduire dans une comédie. Mais quand
ils arrivent à la fin de la pièce, c'est-à-dire quand la vie finit,
la mort leur ôte tous les oripeaux qui faisaient leur différence, et
tous redeviennent égaux dans la sépulture."